Belgique - CEREMONIE LUMUMBA: « Un discours qui a une portée historique et symbolique forte »
AFP
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6/20/2022 11:35:09 AM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


Le discours qu'a prononcé le Premier ministre Alexander De Croo, lors de la cérémonie organisée au Palais d’Egmont pour la restitution de la dépouille de Patrice Emery Lumumba fera date. Tout ce qui a pu endommager, par le passé, les relations entre la Belgique et le Congo, est évoqué "sans ambiguïté", sans tabou, parfois même dénoncé : la responsabilité "morale" de Belges dans le gouvernement de l’époque, la période coloniale ou encore le racisme en Belgique. Alexander De Croo, en tant que Premier ministre, veut assumer les "vérités douloureuses et désagréables". Assumer un devoir de mémoire. "Il le faut si nous voulons tourner la page et entamer un nouveau chapitre de notre Histoire".
Patrice Emery Lumumba, figure de la lutte anticoloniale, est celui qui fut le premier 1er ministre du Congo indépendant, assassiné au Katanga, le 17 janvier 1961.

La restitution de sa dépouille à la famille est un événement historique pour tous les Congolais. Cette cérémonie, voulue par le gouvernement, s’est déroulée en comité restreint, belge et congolais, en présence du 1er ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde.

Excuses

Dans son discours, le Premier ministre Alexander De Croo présente à son tour ses excuses au nom du gouvernement belge, pour la manière dont celui-ci a pesé sur la décision de mettre fin aux jours du 1er Premier ministre du Congo. Louis Michel avait déjà présenté "ses excuses" en février 2003, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères. La différence avec Alexander De Croo, c’est qu’il avait reconnu la responsabilité "tout court" de la Belgique, corrigeant ainsi à son compte, le rapport de la Commission d’enquête parlementaire de 2000-2001 qui conclut à une "responsabilité morale" de la Belgique.

Alexander de Croo s'aligne sur les conclusions de cette Commission. Sachant que depuis, une enquête judiciaire s’est ouverte, à la suite d’une plainte déposée en 2011 par la famille Lumumba. Une plainte contre X et contre dix personnalités belges, pour "crimes de guerre", "torture" et "traitement inhumain". Les conclusions apporteront certainement plus de précisions sur le niveau de responsabilités de personnalités Belges dans les événement qui ont conduit à cet assassinat.

Le premier ministre n'a pas oublié de rendre aussi "un hommage appuyé" aux deux compagnons de route de Patrice Emery Lumumba, Maurice Mpolo et Jospeh Okito, eux aussi assassinés au Katanga, le 17 janvier 1961.

Enfin

En utilisant le mot "enfin" à plusieurs reprises, le Premier ministre souligne le temps trop long qu’il a fallu pour cette restitution. "Beaucoup trop tard", insiste-il. "Car, non, il n’est pas normal que la dépouille de l’un des Pères fondateurs de la nation congolaise ait été conservée six décennies durant par des Belges".

La dépouille est une dent qui a été saisie par la justice en 2016 chez la fille de Gerard Soete, le commissaire qui a été chargé de découper et dissoudre dans l’acide, le corps de Lumumba, après son assassinat.

"Trop tard" aussi, selon le Premier ministre, l’enquête parlementaire de 2000-2001. "Il n'est pas normal qu’en l'an 2000 seulement, près de quarante ans après les terribles événements du 17 janvier 1961, une commission d'enquête parlementaire en Belgique se soit finalement penchée sur les circonstances précises dans lesquelles Patrice Emery Lumumba".

Passé colonial

Pour évoquer les charges douloureuses du passé colonial, Alexander de Croo a rappelé mot pour mot ceux que le roi Philippe a prononcé lors de sa visite en RDC du 7 au 13 juin. En réaffirmant ses plus "profonds regrets" pour les "blessures du passé", causées par un "régime colonial […] marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme", le roi a reconnu ainsi une vérité dans le discours que Patrice Lumumba a prononcé, contre attente, le jour de l’indépendance.

Réparations

Aujourd’hui, la question de la réparation liée au passé colonial, y compris à l’assassinat de Lumumba, est en débat à la Chambre, au sein de la Commission spéciale "chargée d’examiner le passé colonial de la Belgique". La Commission Lumumba avait recommandé en 2001 de verser à la famille, une compensation financière. Un geste que la Belgique n’a jamais accompli. D’autres gestes de réparations sont en discussions, comme la restitution des œuvres pillées pendant les périodes du Congo indépendant (1885-1908) et coloniale (1908-1960).

"Je me réjouis de l’adoption prochaine par le Parlement d’une loi permettant la restitution du patrimoine culturel, comme le propose ce gouvernement. Et je considérerai avec grand intérêt les conclusions de la commission parlementaire spéciale chargée d'examiner le passé colonial de la Belgique", affirme déjà Alexander De Croo.

Un discours qui a une portée historique et symbolique forte

"C’est un discours qui a une portée historique et symbolique forte", analyse Dieudonné Wamu Oyatambwe, politologue, spécialiste de l’Afrique centrale. "Ce discours se situe dans la lignée de toutes les dernières prises de positions des autorités Belges vis-à-vis de la RDC". Alexander De Croo répète ce qui a déjà été dit par le passé, mais en tant que Premier ministre. "C'est un discours qui s’accompagne d’un acte concret d’une portée historique, qu’est la Restitution. Et les excuses sont adressées à la fois à la famille Lumumba et au peuple congolais. Ce discours servira de base pour envisager de nouvelles relations entre les peuples. Ces mots sont fondateurs d’un avenir qu’on espère meilleur".

Pour Vincent Dujardin, professeur d’histoire contemporaine à l’UCLouvain, "C’est un discours qui s’inscrit dans la continuité de la des conclusions de la Commission parlementaire de 2000-2001, dans la continuité aussi du récent voyage royal en RDC. Ce sont des mots qui visent le renforcement de la coopération belgo-congolaise sur la base d’une mémoire apaisée. Il s’agit de se tourner vers l’avenir, en ayant reconnu les faits relatifs à ce passé colonial".
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