Un général émirati tortionnaire élu à la tête d’Interpol, la crédibilité de l’institution policière en prend (encore) un coup
AFP

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L'organisation policière Interpol a donc à sa tête un nouveau président. Elu lors de la 89e assemblée générale de l'organisation, en charge de la coordination des polices de la planète, qui se réunit en ce moment à Istanbul, en Turquie.

Bien que la présidence soit de nature honorifique, celui qui était le grand favori au poste –et qui a été élu ce jeudi matin- est, selon de nombreux observateurs, plus que contestable. Il s’agit d’un général émirati, Ahmed Nasser al-Raisi.

Et le bât de blesser encore une fois dans les arcanes de l’institution policière. Déjà mise à mal à cause de son manque de transparence, des tentatives de manipulation d’Etat peu démocratiques, de ses liens douteux avec des associations et des firmes privées… L’institution fait encore une fois parler d’elle.

Plaintes

Une réputation pour le moins sulfureuse colle à la peau d'Ahmed al-Raisi: l’inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Emirats Arabes Unis, qui se targue de ses 40 ans d’expérience à la tête de la police de son pays est accusé de pratiquer des méthodes peu orthodoxes… Ainsi, le journal français Libération, qui fit de l’affaire son gros titre de mardi, cite des ONG : "Sous sa direction, ses services se sont rendus responsables de détentions arbitraires et d’actes de tortures répétés et systématiques infligés aux prisonniers d’opinion et défenseurs des droits humains en toute impunité ".

La méthode forte

Accusé d’actes de barbarie, le militaire du Golfe est sous le feu des critiques. Plusieurs plaintes pour torture ont été déposées en France, dont celle d’un militant pour les droits humains, Ahmad Mansoor, condamné en 2018 à dix ans d’emprisonnement pour " atteinte à la réputation de l’Etat ". Le Monde précise qu’il est depuis sa parodie de procès maintenu à l’isolement strict dans une cellule de 4 m2.

Des appels d’avocats, d’ONG, mais aussi de politiques, notamment de députés français (se sentant concernés également par le fait que le siège d’Interpol est basé à Lyon) retentissent un peu partout. Pour l’Hexagone, on demande au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de s’opposer fermement à cette nomination. Du côté européen, trois députés dont Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme au Parlement européen, ont écrit à Ursula Von der Leyen. Mentionné par TV5 Monde, le texte dit notamment ceci : "Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général Al-Raisi porterait atteinte à la mission et à la réputation d’Interpol et affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission"

Opacité

Le hic c’est que le processus décisionnel au sein de l’institution est assez simple : un pays, une voix. Une élection à la majorité simple, à huis clos. Les pays peuvent proposer des candidats jusqu’au tout dernier moment mais, cerise sur le gâteau policier, la liste de prétendants n’est pas rendue publique.

Complètement opaque, cette élection provoque une importante rumeur. Ahmed Nasser al-Raisi était donc grand favori à la présidence d’Interpol. Malgré la bronca dans des sphères démocratiques, l’inquiétude était de mise dans les rangs de nombreuses chancelleries.

Pourquoi ce choix ? Comment fonctionne et que se passe-t-il au sein de cette prestigieuse institution qu’est Interpol, qui regroupe 195 pays ?
Quelques images de la cérémonie d’ouverture de la 89e assemblée générale d’Interpol (Istanbul, 23 novembre)

Tout d’abord, à quoi sert Interpol ? Sous son nom très évocateur, l’institution n’est pas un gigantesque commissariat qui grouperait des super-flics les plus chevronnés au monde dans des bâtiments ultra-sécurisés dignes d’un James Bond. Le siège, situé le long du parc de la Tête d’Or de Lyon, est certes très bien protégé. Mais il sécurise avant tout des banques de données. Dix-neuf précisément. Les polices des différents pays membres peuvent les consulter quand elles le veulent. Y sont fichés les criminels et leurs actes, les suspicions…

L’ONU façon police

Le terrain d’action : la Terre entière. A l’exception de la Corée du Nord et d’une poignée de micro-états du Pacifique, tous les pays du globe – dont la Syrie, qui y a fait récemment son grand retour, décrié, après des années de bannissement — en font partie.

Quand on parle d’Interpol, que ce soit dans les films ou les médias, on parle souvent de l’émission de "mandats d’arrêt internationaux". Ce n’est pas tout à fait vrai. En effet, l’organisation ne prédomine pas sur les états et leurs mandats d’arrêts nationaux ou européens. L’action de l’institution, sise dans la capitale des Gaules, est plutôt d’aider à la coordination des différentes polices pour faciliter recherches et arrestations.

Par contre, ce qui est utilisé, ce sont des "notices". Il s’agit d’informations (éléments d’identification et juridiques des personnes recherchées). Elles sont classées selon différentes couleurs (bleues pour des informations complémentaires, noires pour des personnes décédées dont le corps n’a pas été identifié, mauves pour les modus operandi…). La couleur la plus connue est le rouge.

Les notices rouges

Elles sont fameuses, ces notices rouges. Disponibles en ligne pour tout un chacun, ces signalements sont émis à la demande d’un membre de l’organisation. Elles informent les différentes polices qu’une personne est recherchée par un autre état, permettant notamment des arrestations aux frontières. Des avis de recherche donc qui sont de plus en plus nombreux. Et il s’agit même d’une véritable inflation depuis quelques années. D’environ 1400 par an au début des années 2000, on est ainsi passé à plus de 13.000 publiées par an vingt ans plus tard. Quelque 60.000 attendent, elles, leur vérification avant publication. Celle-ci se fait par une équipe composée de 30 à 40 employés, croulant sous les dossiers.

Interpol interpelle

Et certains pays se montrent particulièrement friands, de ces notices… On pense à la Chine, à la Russie, aux Emirats arabes Unis, mais aussi la Biélorussie, qui se montrent particulièrement actifs dans le domaine des signalements policiers. En 2018, par exemple, selon un rapport du Sénat américain, 38% des notices rouges auraient été émises par le Kremlin.

Égypte, Iran, Venezuela, Azerbaïdjan ou encore Inde sont également amateurs des bases de données. Fortement consultés par les services d’États à tendance autoritaire ou dont la transparence en matière démocratique est à démontrer, ceux-ci lancent de nombreux mandats d’arrêts, visant in fine à l’arrestation et l’extradition d’individus. Individus qui seraient donc parfois aussi… Des opposants politiques.

C’est ainsi que comme le souligne Libération, des "garde-fous" ont été mis en place à Interpol, les états pouvant ainsi décider de restreindre la diffusion de leurs informations à certaines chancelleries. Et de rappeler que les pays membres gardent donc le pouvoir d’appliquer ou non les notices émises par d’autres pays (ainsi, par exemple, quand Minsk envoie une notice rouge visant un prétendu opposant politique, les autres états ne sont pas tenus de mener pour autant des recherches…).

Théoriquement, Interpol doit faire preuve de neutralité. Les textes interdisent à l’institution d’intervenir dans des crimes militaires, politiques, religieux ou raciaux, ainsi que sur des faits ne concernant qu’un pays membre.

C’est ainsi que l’organisation, issue de l’imagination de pères de la police scientifique, comme Alphonse Bertillon ou Edmond Locard – médecin légiste qui inventa le premier laboratoire de police scientifique au monde, au tout début du XXe siècle, a pu se hisser au rang des plus prestigieuses institutions mondiales.

Mais elle semble en danger, tributaire de pays qui, par le biais de financement et de manœuvres, tentent de l’utiliser afin de traquer leurs opposants à l’étranger…

Le nerf de la guerre

C’est que, contrairement aux idées reçues, aussi d’allure prestigieuse soit-elle, Interpol est loin de crouler sous l’argent et les moyens. Selon le Monde, qui lui consacre aussi d’édifiants articles, son sous-financement est chronique.

Avec 700 agents et un budget d’environ 136 millions d’euros, elle souffre d'un manque criant de ressources financières. Mais il est possible d’y faire des dons. C’est ainsi que les Emirats Arabes Unis lui font une donation. 50 millions d’euros, pour cinq ans. Abou Dhabi est ainsi le deuxième plus grand contributeur au monde, après les USA. La faiblesse de la dotation de l’institution mondiale permet donc des tentatives de manipulations par des états loin d’être connus pour leur transparence démocratique (Chine, Russie…), mais aussi par des tiers. Ainsi, de l’argent a par le passé été versé par des mécènes qui se sont révélés plutôt… Gênants. On pense à la FIFA, concernant la lutte contre la corruption (accord stoppé en 2015 lors du scandale concernant le football mondial), le Comité international olympique (également touché par la corruption), mais aussi à… Philip Morris.

Une institution de plus en plus grande

L'Allemand Jurgen Stock, Secrétaire général d'Interpol depuis 2014 (ici en novembre 2018, à Lyon) © AFP or licensors

La présidence de l’institution est un poste plus honorifique qu’autre chose. Le vrai pouvoir est plutôt détenu par le Secrétariat général, qui s’occupe des opérations au quotidien. Celui-ci est depuis 2014 dirigé par un Allemand, Jürgen Stock. Celui-ci maintient vaille que vaille l’institution à flot, engageant réformes et échanges pertinents d’informations.

jeudi 25 novembre 2021

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