Paul Biya a encore brisé le rêve des camerounais
Par Michel Lobé Etamé
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7/20/2018 10:27:26 AM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


En annonçant sa candidature pour un septième mandat présidentiel, Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, a cédé à ses thuriféraires dont les appétits n’ont d’égal. Le vieux monarque, fidèle à lui-même, a écouté les appels des « camerounais de l’intérieur et de la diaspora ». Une fois encore, il n’a pas été capable de saisir l’opportunité de l’âge pour tirer sa révérence dans un climat chaotique qu’il n’a pas su gérer.
Paul Biya brise une fois de plus le rêve des camerounais convaincus que le vieux monarque allait passer le témoin pour jouir d’une retraite « pacifique ».

L’annonce de la candidature de Paul Biya est une triste nouvelle pour tous les camerounais usés par des décennies de népotisme, de bourrage systématique des urnes, de corruption, de trafic d’influence, de gabegie, de récession intellectuelle dans un contexte où les diplômes sont dévalorisés par la dégradation de la qualité de l’enseignement. C’est une triste journée pour tous ceux qui osaient encore croire que la raison l’emportera.

Aujourd’hui est une journée triste pour les médias camerounais soumis aux restrictions de la liberté d’informer. Paul Biya a encore brisé les espoirs d’un pays momifié par la peur de sa police politique très active et incapable de réunir autour d’une table ses enfants du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest.

Le vieux monarque est-il frappé de cécité ? Le drame du Cameroun ne s’évoque qu’ailleurs, dans les recoins où la liberté s’exerce encore, c’est-à-dire en dehors du septentrion.

Un très grand espoir traversait encore tout le pays, l’espoir de tourner la page d’une gouvernance morbide et ruineuse. Le doute vient de s’installer. L’espoir s’est évaporé ce jour à l’annonce d’une fatidique et calamiteuse candidature. Le choc est énorme. Il se lit dans les visages, même si quelques-uns étouffent encore leur amertume.

Mais l’heure est-elle à l’amertume ? Pourquoi se voiler la face ? L’exercice favori du pouvoir est le bourrage des urnes que les « pseudo observateurs étrangers » vont cautionner. Ils apporteront leur caution à une élection gagnée d’avance. Paul Biya le sait. Il ne doute pas de ses équipes rompues à la tradition de la triche. Une triche qui révolte en silence et n’interpelle plus personne. Une tradition mise en place par le colonisateur et bien entretenue par le pouvoir qu’il a légué à ses subordonnés cooptés pour servir.

Les pouvoirs spirituels trouveront encore une raison pour glorifier « Dieu » du choix de Paul Biya. Et pour le camerounais moyen, la sempiternelle question « On va faire comment ? » reviendra.

Les médias du monde qui relaient l’information sur la candidature de Paul Biya sont tous unanimes. L’homme est vieux et n’a plus tous ses moyens mentaux et physiques. Mais pourquoi s’obstine-t-il à régner ? La nouvelle s’est répandue dans la tristesse, la contrition et la rage. Encore et pourquoi faire ? Le roi fainéant a-t-il encore des ressources et une nouvelle vision du Cameroun ? Fera-t-il en sept ans ce qu’il n’a pu faire en 45 ans ? Sa sénilité est un grand handicap pour un pays où la jeunesse est livrée à elle-même.

Un pays en proie à la guerre et à la révolte

L’encre a coulé ces derniers mois face à l’incapacité du monarque à mettre fin à l’insurrection au Cameroun Occidental. Il n’a pas su réunir tous ses concitoyens pour un dialogue inclusif. Paul Biya a choisi la manière forte. Le sang coule à flot dans la région. On en est à oublier que Boko Haram sévit toujours impunément dans le Nord du pays et que les sacrifices des militaires ne viennent pas à bout de cette bande de brigands.

La jeunesse camerounaise a choisi l’exil. Des femmes, des enfants et des hommes embarquent sur des canaux de fortune en Libye. Les morts se comptent par milliers lors de la traversée de la Méditerranée.

Est-il raisonnable d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle alors que le pays est en feu et en sang ? Une élection au suffrage universel est conditionnée par la paix sociale, la mobilité et une campagne politique dans tous les recoins du pays. Ces conditions sont-elles réunies ? Les camerounais méritent mieux. L’unité du pays doit être la première préoccupation d’un pays qui a été pacifié dans un bain de sang. Nul ne veut revoir les tristes images des exécutions à la place du marché.

La paix doit inclure tous les belligérants pour que le Cameroun retrouve sa splendeur des premières décennies de l’indépendance. Pour cela, tous les prisonniers politiques anglophones doivent être libérés. Une conférence nationale souveraine devrait alors débattre des grands chantiers de réconciliation avec de nouvelles têtes, sans les influences étrangères.

Le nouvel homme devrait être libre, sans une caution extérieure. Le choix de cet homme appartient aux camerounais et non aux obédiences occidentales et encore moins aux cooptations de la France.



Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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