Ces héros que le Cameroun doit réhabiliter
Par Michel Lobé Etamé
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6/1/2018 10:47:46 PM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


Le net est un espace de liberté incontournable qui permet aux internautes de se défouler, de réagir, de cracher leur venin, de s’extasier face à des sujets où la diversité des opinions divise ou rallie. Nous devons cette opportunité au Net car les médias traditionnels, très sélectifs et jaloux de leur puissance nous distillent des informations critiquables. C’est pourquoi il est recommandé d’user avec prudence et sagesse les nouveaux médias publics où la vérité et le mensonge se côtoient. Twitter, WhatsApp, Messenger et Facebook ne sont pas des outils de propagande, mais des supports pour la culture, l’information et la connaissance du monde.
J’ai assisté avec effroi aux déchainements des anonymes, des intellectuels, des politicards professionnels et de la société civile sur l’action des chefs traditionnels Sawa, au Cameroun. Ces derniers n’ont pas cautionné l’initiative du Délégué du Gouvernement qui a décidé de construire une statue à Douala, en mémoire de notre illustre Ruben Um Nyobé, militant actif et l’un des pères fondateurs d’un Cameroun libre et indépendant.

Les insultes et les insinuations ont refait surface. Les détenteurs de la vérité absolue sont montés au créneau pour déverser leur venin, non seulement sur les chefs traditionnels, mais aussi sur le peuple Sawa. Un véritable règlement de compte regrettable !

Faut-il rappeler au monde que Ruben Um Nyobé, « terroriste » sous l’occupation française, est un héros de la longue lutte qui a conduit à l’indépendance du Cameroun ?

Nous devons être reconnaissant à tous ceux qui œuvrent à réhabiliter nos héros que le pouvoir colonial allemand et français ont disqualifié et exécuté. Ruben Um Nyobé et Rudolf Douala Manga Bell appartiennent à la jeune histoire du Cameroun. Tous les deux sont de fervents patriotes. Nous ne pouvons les opposer ni prioriser l’un à l’autre. Ils sont entrés dans l’histoire de notre pays. Ils font partie de notre patrimoine.

Le défoulement médiatique en cours est malsain. Il réveille les vieilles querelles que nous croyions enfouies dans les caniveaux. Il oppose les doualas aux bassas qui ont toujours vécu en parfaite harmonie, comme c’est d’ailleurs le cas de tous les camerounais.

À qui profite ce déchainement médiatique ?

La politique est un art qui consiste à rassembler des femmes et des hommes de divers horizons pour former une nation à l’identité commune. Mais nous avons pu observer que la démarche du Délégué du Gouvernement, sans doute dotée d’une bonne intention, a été irréfléchie et maladroite. Une concertation avec les chefs traditionnels sur un sujet aussi complexe aurait conduit à une solution consensuelle. Il ne l’a sans doute pas fait. Cette maladresse est à l’image d’un pouvoir autocratique qui décide seul.

Je suis outré par le flot d’insultes et de haine qui accompagnent les points de vue de toutes celles et de tous ceux qui ont versé l’opprobre sur les uns et les autres. Pourquoi un tel déchainement s’est-il transformé en un véritable pugilat ? Pourquoi réagir à chaud ? Pourquoi ne pas prendre de la hauteur ?

Tout simplement parce que le gouvernement n’a pas voulu prendre position. Mais un arbre peut-il cacher la forêt ?

Pauvre de nous ! Au cours de ce déchirement médiatique qui a mis en lumière les excités de tous bords, nous avons oublié l’essentiel. La pauvreté ne recule pas. A l’hôpital les malades continuent à crever pour un comprimé. La corruption tant décriée s’exerce toujours à découvert. Le pays est au bord du précipice. Le seul centre d’intérêt qui devrait nous réunir nous divise.

La guerre tribale refait surface. Les pseudo historiens réinventent l’histoire des peuples Sawas et Bassas.

N’oublions pas l’essentiel

La lutte contre la pauvreté, les inégalités, le tribalisme, la corruption, le népotisme doit réunir toutes les forces vives du Cameroun. Nous ne pouvons nous égarer dans des combats superficiels, sans intérêt, alors que le pouvoir actuel est à bout de souffle. Trente cinq ans de règne n’ont pas permis à ce pouvoir de sortir de la pauvreté, ni de libérer les énergies nouvelles et de permettre aux camerounais de souffler les bougies de la bonne gouvernance et de la prospérité.

La faim, la peur et la maladie ont anesthésié le peuple camerounais qui prie à longueur de journée pour implorer un Dieu repu. Ce déchainement médiatique traduit une forme d’aliénation collective qui trahit le peu de cas que nous faisons de nos droits et de nos devoirs élémentaires envers notre patrie.

Il faudrait sortir de cette léthargie commune et s’investir dans le changement. Le pouvoir en place a une fois encore réussi, par son mutisme, à diviser les camerounais. Ces derniers ont mordu à l’hameçon comme des sardines apeurées par les grands prédateurs.

Arrêtons cette guerre médiatique qui amuse l’Afrique entière et qui nous éloigne de l’essentiel : les prochaines élections présidentielles pour mettre fin à trente-cinq ans d’un règne sans partage. Le Cameroun mérite mieux. Laissons-nous gagner par la raison pour construire un Cameroun uni et solidaire.


Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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