L’Afrique face à l’idéologie néoconservatrice
Par Michel Lobé Etamé
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1/26/2018 10:51:34 AM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


« Pays de merde » ou autres invectives, le discours de Donald Trump obéit à une logique qui s’inscrit dans l’idéologie néoconservatrice dont le but recherché est la marginalisation de l’Afrique. Ce discours est au moins clair et direct car il échappe aux règles de la bienséance des courtisans qui se présentent comme « amis de l’Afrique » avec un discours gauchiste et dont les actes sont à contre-courant.
L’idéologie néoconservatrice a vu le jour aux Etats-Unis en 1973 par le théoricien et idéologue, Irving Kristol, convaincu que le social-libéralisme a échoué. Guidée par l’anticommunisme, cette idéologie se manifeste publiquement aux Etats-Unis depuis que Donald Trump est arrivé aux affaires pour un protectionnisme affiché alors que l’Europe œuvre à développer le multilatéralisme cher à Angela Merkel.

La frilosité observée sous la présidence d’Obama sur les questions raciales a laissé la place à un discours direct et sans ambages. Voilà pourquoi Donald Trump ne s’embarrasse point de protocole quand il s’adresse devant un auditoire pour affirmer la grandeur et la priorité de l’Amérique.

Si le discours de Donald Trump parait offusquant, voire méprisant et haineux, il devrait mobiliser l’Afrique, non pour un sentiment anti américain, mais pour qu’elle mutualise ses forces pour relever les défis actuels et à venir.

L’idéologie néoconservatrice a le vent en poupe en Europe. On peut le voir en Pologne, en Autriche, en France, en Hollande et en Allemagne. Donald Trump a martelé devant les dirigeants mondiaux réunis à l’ONU, « America First ». Il estime que sa priorité est d’abord son pays. Qui oserait le critiquer sur ce point ?

La France d’Emmanuel Macron semble se diriger vers le même schéma dans sa politique africaine, même si son discours est beaucoup plus policé. En effet, depuis son arrivée à l’Elysée, nous avons pu observer des actes qui trahissent ses revirements. Son discours officiel de solidarité à l’égard du continent est contraire à ses actes. En d’autres termes, il n’y a aucune rupture avec ses prédécesseurs.

Rokhaya Diallo, journaliste et polémiste en a fait les frais. Mounir Mahioubi, Secrétaire d’Etat au Numérique a écarté la journaliste du Conseil National du Numérique.

Que reproche-t-on à Rokhaya Diallo ? Féministe, militante engagée et antiraciste, Rokhaya Diallo n’appartient pas à cette famille de militants africains politiquement corrects qui s’alignent dans le but de plaire à l’establishment. Elle use de son droit et de sa liberté de citoyenne française. C’est en cela qu’elle dérange. Ses apparitions dans les médias se font rares. Elle n’est plus invitée sur les plateaux de télévision.

En signe de solidarité avec Rokhaya Diallo, la quasi-totalité des membres du Conseil National du Numérique a démissionné. Ces membres ont ainsi protesté contre le gouvernement qui contestait la composition de cette instance.

Selon Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart, « l’exclusion de Rokhaya Diallo du Conseil National du Numérique quelques jours après sa nomination est une alarme grave sur la montée de l’intolérance dans notre pays ».

Un autre fait majeur est venu corroborer les dérives du macronisme sur sa politique africaine. L’économiste togolais, Kako Nabukpo a été licencié de l’Organisation Internationale de la Francophonie pour avoir critiqué le franc CFA.

Homme libre et de conviction, nous ne serons donc pas étonnés du refus de l’écrivain congolais, Alain Mabanckou, de contribuer aux « travaux de réflexion » de la francophonie comme le lui demandait Emmanuel Macron. Le refus d’Alain Mabanckou est un signal fort contre la politique de la France en Afrique où elle continue à soutenir des régimes corrompus et dictatoriaux. Pour que survive la francophonie, la France doit se renier. Elle doit prendre en compte les revendications de la jeunesse africaine qui conteste, à juste titre, la légitimité des pouvoirs en place.

Emmanuel Macron aurait-t-il saisi le message ? La jeunesse africaine n’est plus disposée à la soumission comme ses aînés. Elle est politisée et aspire à la liberté si chère à l’Occident. La relation entre la France et ses anciennes colonies doit se poursuivre dans un climat de respect mutuel. Le paternalisme condescendant si bien affiché doit laisser la place au dialogue et à un partenariat équilibré.

Paris chercherait-il à mettre au pas les voix discordantes africaines ? Nous pensons que ce n’est pas une réponse appropriée aux défis que la France doit affronter. Ce serait alors un virage dangereux de la politique étrangère de la France. Souvenons-nous que lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron était taxé d’exportateur de la démocratie. Que reste-t-il de ces promesses ?

Dans son ouvrage « Quelle diplomatie pour la France », l’essayiste Renaud Girard théorisait au moment de l’élection présidentielle quelques-unes des principales inflexions du macronisme qui prônaient une rupture avec l’idéologie néoconservatrice atlantiste contraire aux valeurs du gaullisme. Cette idéologie néoconservatrice inféodait la France à l’Amérique.

Chantre de la démocratie lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel macron aurait-il changé de cap ? Celui à qui on reprochait de faire du « Girard » s’éloigne de ses convictions d’hier. Ce virage pourrait amorcer le déclin de la politique extérieure de la France en Afrique.

Face à la montée de l’idéologie néoconservatrice en Occident, l’Afrique se retrouve à la croisée des chemins. Ses choix vont déterminer son avenir dans un monde où le protectionnisme dogmatique et suprémaciste va provoquer des tensions qui conduiront à des guerres permanentes.




Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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