J’ai honte de toi, Afrique !
par Michel Lobé Etamé
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11/17/2017 9:51:41 AM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


Il y a trois ans, je me suis permis de dénoncer dans un éditorial, la pratique de l’esclavage des noirs en Mauritanie au 21ème siècle. J’ai cru qu’à travers cette chronique, j’allais réveiller les consciences de tous nos semblables qui jouissent d’une liberté relative en Occident et en Afrique. Je me suis trompé. Aucun écho favorable n’a accompagné mon cri de cœur. J’ai échoué dans ma quête de liberté.
L’Afrique, aujourd’hui, ne brille que par ses frasques teintées de vol, de corruption, de népotisme et d’indifférence. J’ai aussi dénoncé, puisque j’en ai le privilège, tous ces morts anonymes qui nourrissent les poissons des eaux troubles de la Méditerranée.

Mon discours jusque-là n’a eu aucun écho. En 2016, la Méditerranée a englouti plus de 4600 migrants dans l’anonymat. Ces migrants venaient d’Erythrée, du Soudan, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Nigéria, de Somalie, etc.

Aujourd’hui, à l’heure où la transition énergétique occupe les esprits, un drame a lieu quotidiennement en Afrique du Nord, en Libye où le régime de Kadhafi a laissé place au désordre sciemment programmé par les forces de l’Otan.

La jeunesse vive de l’Afrique, victime de l’oisiveté, de l’incompétence et de l’indifférence de leurs régimes respectifs a choisi le chemin de l’exil. La Libye est leur passage obligé. Dans ce pays aux traditions esclavagistes, le phénomène revient au galop. Nous croyions ces pratiques révolues et d’un autre âge. Il n’en est rien.

Les migrants noirs sont parqués comme des bêtes de somme dans des cages, tels des chiens, pour être vendus. L’information est connue de tous. Nous ne pouvons l’ignorer. Mais aucune mobilisation ne vient troubler notre immobilisme face à un drame dont nous portons la responsabilité.

Les journalistes de CNN viennent de publier un reportage sur les migrants vendus aux enchères en Libye. Des images d’une extrême violence psychologique nous montrent de « jeunes proies » dont les vendeurs vantent la robustesse. Les prix varient entre 500 et 700 dinars libyen. L’enquête de CNN met en lumière le statut d’esclave réservé aux migrants noirs subsahariens en transit vers l’Europe.

Je me réjouis du reportage de CNN s’il peut conscientiser les esprits. L’Afrique ne peut éternellement s’adosser sur l’Occident qui exploite ses faiblesses.

Que dire du silence coupable des chefs d’état africains qui ne peuvent pas ignorer le drame en cours de leurs citoyens ? Que dire de nos intellectuels ? Ces sommités qui se réclament de Voltaire, de Diderot ou de Molière? Ils sont encore plus méprisables. Ils débattent au quotidien des problèmes de souveraineté, d’indépendance, de dignité, de la monnaie commune ou des revendications identitaires. Mais, qu’en est-il de leurs semblables qui sont exposés et vendus en terre arabes? Que font nos intellectuels qui résonnent à longueur de journée quand la raison les invite ?

Une fois encore, l’île de Gorée est souillée car elle porte toujours les stigmates des enfants, des femmes et des hommes qui ont quitté leur terre pour servir de bêtes de sommes dans les Amériques. Les vestiges de l’esclavage sont toujours dans nos mémoires. Mais pourquoi en avons-nous si honte pour ignorer qu’à l’instant présent, en terre de « nos « amis arabes », nos enfants qui ont fui la misère dans leurs pays à cause des dictatures féroces, sont vendus sur le marché au plus offrant ?

Attendons-nous toujours que la vieille Europe tant décriée vienne à notre secours ? Ce serait le comble ! Le silence de nos intellectuels, s’ils en existent réellement, devrait nous interroger.

L’Afrique reste silencieuse. Elle se mure dans un silence nauséabond. Elle est incapable de réagir, de prendre position et de faire rapatrier ses enfants des griffes de tous ces malfaisants.

L’Afrique se terre. Mais sa honte est visible. Il ne sert à rien de l’occulter. Elle ne peut échapper au regard moqueur et cynique de l’Occident qui juge avec raison nos insuffisances, nos irresponsabilités, nos faiblesses, nos inepties et notre comportement bestial.

Pauvre Afrique !


Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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