Editorial - Kémi Séba: Polémiste, activiste, africaniste ou farceur ?
par Michel Lobé Etamé
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9/1/2017 12:05:33 PM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


Dans son édition du 22 Août 2017, le quotidien français Le Monde Afrique a publié une chronique de son journaliste Hamidou Anne dont le titre engagé est « La fin du franc CFA mérite de meilleurs avocats qu’une tribu de farceurs ». Pour ce chroniqueur, l’activiste Kémi Séba n’est autre qu’un « afroclown » inondant les réseaux sociaux avec un discours raciste et creux, inutile et dangereux.
Du point de vue de la législation, Hamidou Anne n’a pas tort de critiquer l’acte de Kémi Séba qui a brulé un billet de 5000 francs CFA en public. Car, qu’on le veuille ou non, l’Afrique francophone a une monnaie : le franc CFA. La loi interdit la destruction en public ou en privé d’une monnaie. Cependant, notre chroniqueur se singularise en traînant dans la boue Kémi Séba avec une plume méprisante, insultante et sur un ton arrogant. Ce discours est très éloigné de la déontologie de son métier.

Hamidou Anne ne peut se réjouir de jeter l’opprobre sur un homme d’esprit avec des propos aussi acerbes. Non, monsieur Hamidou Anne, vous tenez ici un langage ordurier qui se confond avec celui des maitres du monde qui décident de ce qui est bon ou non pour les populations pauvres dont l’Afrique est un parfait exemple. En versant dans l’outrance, le ridicule et l’insulte, vous donnez raison à vos détracteurs.

J’aurais voulu voir Hamidou Anne militer à sa manière pour dénoncer les politiques esclavagistes et coloniales en Afrique et dans le monde.

Mon jugement n’est point orienté. Mais je suis choqué par le mépris de ce chroniqueur à l’égard d’un homme qui dénonce les barrières visibles et invisibles du colonialisme qui continuent à plomber le développement de l’Afrique.

Ne faisons pas dans l’invective, cher Hamidou Anne. Le dénigrement, l’insulte et la caricature fertilisent le terreau des ennemis séculaires de l’Afrique. Grandissons et élevons le débat dans la sérénité et le respect des autres. L’acte de Kémi séba est un symbole au même titre que celui de Rosa Parks aux Etats-Unis qui refusait de céder sa place à un blanc. Rosa Parks a aussi violé la loi ségrégationniste en vigueur. Cet acte a brisé des barrières et remis en cause des lois scélérates des Etats-Unis.

Je n’ai aucun lien avec Kémi Séba. Il m’arrive de visionner ses vidéos sans partager tous ses idéaux. Mais, ce n’est pas une raison de le criminaliser. Le débat démocratique nous impose le respect de l’autre. Il nous commande une certaine éthique dans un monde où la pluralité des pensées peut se discuter. Il nous délivre aussi de la pensée unique qui cristallise les opinions.

L’Afrique est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Ses enfants sont qualifiés pour apporter un jugement de valeur sur les thèmes qui plombent son développement. C’est pourquoi Kémi Séba ne peut être traité de polémiste ou d’afroclown. Kémi Séba est un militant et un africaniste de la liberté et de la souveraineté.

Pour disqualifier un militant africaniste qui dénonce le mal être des enfants de l’Afrique post coloniale, les médias lui collent une étiquette. Nous sombrons très facilement à ce discours dont le but est de dénigrer un courant de pensée non conventionnel. Nous avons tort d’adhérer à ce discours réducteur, iconoclaste et farceur dont l’objet est de briser l’élan de ceux qui luttent pour une Afrique libre et souveraine.

Ne cédons pas à la tentation de la facilité comme le fait Hamidou Anne dont la plume ne propose rien pour un continent livré à la soumission, à l’obéissance, à la peur et aujourd’hui, au désarroi. La monnaie est un instrument de souveraineté. Dénoncer le franc CFA et la servitude monétaire ne peuvent donc être considérés comme une hérésie. Les pays de l’Afrique francophone sont les seuls au monde à posséder une monnaie coloniale après les indépendances. N’est-ce pas une aberration ? Dénoncer cette monnaie après cinquante ans est aussi une aberration qui confirme l’inertie et l’irresponsabilité des chefs d’états des pays concernés.

Le débat sur le franc CFA ne peut être mené par la société civile et les africanistes sans la participation active des chefs d’états africains. Leur silence et leur immobilisme face à ce sujet sont inquiétants. Ont-ils peur de mourir comme leurs prédécesseurs qui avaient osé en débattre publiquement ? Cet immobilisme est la preuve de la peur qui les traverse pour affronter l’avenir et libérer l’Afrique. Mais il reste aussi beaucoup d’autres sujets tels que la corruption, le tribalisme et le vol en toute impunité des deniers publics, tout comme des corrupteurs dont on ne parle jamais. Alors, de grâce, nous devons mener dans la sérénité tous ces combats pour la dignité de tous ceux qui sont morts pour que l’Afrique soit libre.



Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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