Tunisie: Nabil Karoui, favori de la présidentielle, fait campagne… de prison
AFP

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On l’appelle le « Berlusconi tunisien ». À l’image de l’ancien premier ministre italien, il est à la tête d’un empire médiatique, dirige une chaîne de télévision et peut même se targuer d’avoir mis au monde le premier Star Académie maghrébin.

Candidat favori à la présidentielle dont le premier tour aura lieu dimanche, Nabil Karoui a été arrêté le 23 août dernier, sous des accusations de fraude fiscale et de blanchiment d’argent.

Incarcéré depuis, il n’a pas pu participer aux débats télévisés avec les 25 autres candidats en lice. Il risque aussi de ne pas pouvoir voter dimanche, même si son nom figurera sur les bulletins de vote et que tous les sondages le donnent gagnant.

En fait, son arrestation l’a probablement rendu encore plus populaire, puisqu’elle montre qu’il peut « être victime du système comme tout le monde », souligne Michael Ayari, analyste principal pour l’International Crisis Group (ICG) à Tunis.

La figure de Nabil Karoui divise. Il y a ceux qui estiment qu’il a été ciblé par une manœuvre politique du pouvoir, qui cherche à le neutraliser. Que la justice a été instrumentalisée à des fins politiques.

Et d’autres qui croient que le processus judiciaire contre Nabil Karoui, lancé il y a trois ans, suit simplement son cours, et que c’est un pur hasard si son arrestation a coïncidé avec la campagne électorale.

Ce qui est clair, c’est qu’il n’a été ni jugé ni condamné, et que sa candidature reste donc parfaitement valide.

Charité spectacle

Mais qui est donc ce magnat tunisien dont la conversion en politique a brouillé les cartes de la jeune démocratie tunisienne ?

Mi-cinquantaine, cheveux poivre et sel, allure « beau gosse » : Nabil Karoui a d’abord fait ses classes dans le monde de la publicité et du marketing à la tête d’un conglomérat qui porte son nom, et qui lui a permis de développer des liens d’affaires internationaux, notamment avec… Silvio Berlusconi.

Sa chaîne de télévision, Nessma, a joué un rôle clé lors du mouvement de protestation né en décembre 2010, qui a abouti au départ du dictateur Ben Ali avant d’avoir des échos ailleurs dans le monde arabe.

Dans ce pays où la parole a été longtemps muselée, le réseau Nessma est le premier à rendre compte du soulèvement précurseur des printemps arabes.

Après la victoire du parti islamiste Ennahdha aux premières élections démocratiques visant à choisir une assemblée constituante, Nabil Karoui participe à la fondation du parti laïque Nidaa Tounes, censé faire contrepoids aux islamistes. Le bloc laïque gagne les législatives et la présidentielle de 2014.

Quand le président Caïd Essebssi meurt, en juillet 2019, ce qui précipite une nouvelle saison électorale, il y a déjà trois ans que Nabil Karoui s’est brouillé avec cette formation, et il fait campagne à la tête de son propre parti, Au cœur de la Tunisie.

Depuis 2016, Nabil Karoui parcourt le pays avec de la nourriture, des réfrigérateurs ou des téléviseurs qu’il distribue aux familles les plus pauvres. « Il a construit sa popularité sur la charité spectacle, il est un pur produit de l’ère post-idéologique, un professionnel des communications qui a mis une véritable machine de guerre » au service de sa campagne, résume Michael Ayari.

Nabil Karoui est un populiste, qui oppose les élites au « peuple crève-la-faim », observe le politologue tunisien Hatem Mrad, de l’Université de Carthage.

Selon lui, le candidat emprisonné réussit à rejoindre « les gens qui en ont ras le bol de l’instabilité de la transition ». Manifestement, le message passe : tous les sondages le donnent gagnant au premier tour.

Situation inédite

Son arrestation crée une situation inédite. Qu’adviendra-t-il s’il remporte le premier tour de dimanche ? Sera-t-il libéré pour le deuxième tour ? Ou devra-t-il faire campagne de sa prison ? Et s’il devait être élu président ?

Des négociations ont lieu actuellement pour autoriser Nabil Karoui à donner une entrevue électorale à partir de la prison où il est détenu depuis le 23 août. Son avocat vient d’annoncer qu’il a entrepris une grève de la faim, exigeant d’être libéré pour pouvoir aller voter dimanche !

La présence de ce candidat coloré, populaire et incarcéré n’est pas le seul précédent de cette saison électorale qui sera suivie par des législatives le 6 octobre et un deuxième tour présidentiel une semaine plus tard.

Après avoir élu d’abord des islamistes, puis un parti laïque, regroupés dans des blocs bien identifiés, les Tunisiens font aujourd’hui face à une fragmentation du paysage politique. Des représentants de courants islamistes, conservateurs, et même nostalgiques de l’ère Ben Ali briguent les suffrages, quelques points derrière Nabil Karoui, selon les sondages.

Cet éclatement du paysage politique peut être vu comme un progrès, dans ce pays qui reste le seul à avoir réussi son virage démocratique dans la foulée des printemps arabes de 2011. Mais il est aussi source d’inquiétude.

« D’un côté, cette diversité et toutes les polémiques qui éclatent témoignent d’une vitalité démocratique », dit Michael Ayari. Mais selon lui, cette prolifération de candidats témoigne aussi d’une méfiance à l’égard des institutions démocratiques, qui pourrait plonger le pays dans une période d’incertitude, si jamais les résultats des urnes devaient être contestés.

« Les risques de déraillement du processus électoral et de violences sont réels », écrit-il dans une analyse publiée hier par l’ICG.

« Au moins, aujourd’hui, on voit les véritables forces politiques du pays, mais il y a aussi beaucoup de sources de tension », renchérit Hatem Mrad.

Dimanche, la jeune démocratie tunisienne passera le test de cette nouvelle réalité.

dimanche 15 septembre 2019

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