Et si la France était enfin reconnaissante à l’Afrique ?
Par Michel Lobé Etamé

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Il y a indéniablement une grosse part de vérité dans le déséquilibre des relations entre la France et ses anciennes colonies africaines. Le colonialisme historique dont on connait la brutalité et la férocité, sans revenir aux sources de l’esclavage qui est un crime contre l’humanité, ont toujours servi d’épouvantail pour terroriser les régimes en place. Ces derniers ne survivent que grâce à leur soumission à l’ancien maître qui se présente toujours comme un partenaire privilégié et incontournable.


Pour briser cette relation déséquilibrée qui est à l’origine des échecs économiques et sociaux de l’Afrique francophone, il faut mettre fin à la françafrique qui est un concept rétrograde et avilissant. La françafrique entretient à grande échelle les coups d’état et les amitiés de circonstance. Elle est pilotée par d’anciens barbouzes à la solde du pouvoir central français. Mais il faut aussi tordre le coup aux clichés véhiculés, bien entretenus, qui sont toujours en place et qui présentent l’Afrique et l’homme noir dans un jour sombre.

La France a le devoir de faire la promotion de l’Afrique pour solder sa fracture coloniale au moment où « la droite française vante les bienfaits de la colonisation ». Cette démarche courageuse n’effacera pas l’histoire. Mais elle assainirait une relation biaisée, anachronique et paternaliste.

La France vient de commémorer le sacrifice des australiens et des néo-zélandais qui ont percé les lignes allemandes de la commune de Villers-Bretonneux. Cette commémoration s’est déroulée au Mémorial National australien de la Grande Guerre à Fouilloy.

Cet acte symbolique est aussi une preuve de reconnaissance envers des hommes qui ont sacrifié leur vie au nom d’un idéal commun qui est la liberté. Mais l’histoire de France n’évoque pas assez les sacrifices des africains engagés de force dans des guerres où leur statut de « tirailleurs » les confinait à la boucherie. L’Afrique a pourtant payé un lourd tribut au cours des deux Grandes Guerres Mondiales. Cette histoire n’est pas gravée dans les manuels scolaires. Du moins, on en parle très peu comme si nous en avions honte. Ces héros oubliés et très souvent méconnus méritent mieux. Notre société grandirait à reconnaitre leurs sacrifices. Ils devraient être réhabilités au nom du principe de l’égalité des peuples.

N’est-il donc pas temps de réécrire l’histoire de ces hommes qui ne sont jamais rentrés chez eux ? L’esclavage et la colonisation constituent un épisode triste de l’histoire de l’humanité, La loi Taubira du 21 mai 2001 sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité est un grand pas en avant. La France peut mieux faire car son rayonnement dans le monde est étroitement lié aux richesses venues de ses anciennes colonies.

Un mémorial pour les soldats africains serait un acte fort. Les Etats-Unis, qui ne sont toujours pas un modèle d’égalité des races, ont le courage d’acter une journée à la mémoire de Martin Luther King. Ils ont par ailleurs construit un musée de l’esclavage où sont exposés les pires instruments de tortures qui ont servi les maitres esclavagistes. Aujourd’hui, en 2018, les américains viennent d’ouvrir un nouveau mémorial en hommage aux afro-américains lynchés. Sur le site, des sculptures d’hommes et de femmes noirs enchainés ont été installées.

Le lynchage des noirs est enfin reconnu comme un crime contre l’humanité. Il s’ajoute à l’apartheid, à la ségrégation, à l’esclavage, à la tyrannie de masse qui ont marqué la vie de chien des afro-américains. En France, tous les thèmes autour de l’esclavage, la colonisation et la françafrique divisent l’opinion. La fracture est béante. Le courage politique des élus et leurs promesses de campagne font chou blanc. Les générations à venir vont hériter d’un passif colonial que leurs ainés n’auront pas voulu solder.

La présence de la France en Afrique a été marquée par trois grands évènements douloureux : l’esclavage, la colonisation et le néocolonialisme.

Aujourd’hui, le néocolonialisme a pour objet de diriger politiquement et économiquement les anciennes colonies avec à la tête des États des hommes serviles pour assurer le pillage des richesses et des matières premières. La françafrique a été copieusement dénoncée. Elle est remplacée depuis les années 2000 par les multinationales. A la tête de ces entreprises tentaculaires, on retrouve des femmes et des hommes rompus à l’art de la corruption.

Ces dirigeants causent plus de dégâts que les guerres et font sombrer les pays dans une corruption qui paralyse les économies déjà si fragiles.

En Europe, la Belgique poursuit ses efforts pour solder son triste bilan colonial. Les autorités de Bruxelles vont bientôt inaugurer une Place Patrice Lumumba. Elles font preuve d’un courage politique et humain pour réhabiliter le héros congolais lâchement assassiné qui revendiquait l’indépendance de son pays. Figure emblématique de l’indépendance, Patrice Lumumba a été Premier Ministre du Congo. Le rapport de la commission d’enquête du parlement belge de 2001 a conclu à la « responsabilité morale » de la Belgique dans son assassinat. Pour le bourgmestre de Bruxelles, il faut donner le nom de Patrice Lumumba à une place publique et d’y fixer une plaque commémorative qui marquera l’entrée de « Matonguè », le quartier de la communauté congolaise de la capitale. L’Allemagne, de son côté, a reconnu le génocide des hereros et des namas en Namibie. L’Angleterre vient de restituer des artfacts volés au Nigéria.

Dans les ex colonies, les héros des indépendances sont passés dans l’oubli, victimes d’assassinats, de coups d’état ou d’exil forcé. Le problème ne peut être abordé ni en France, ni dans les ex-colonies où les pouvoirs en place n’oseraient réhabiliter les enfants morts pour la patrie. Mais il n’existe pas de prescription pour ces crimes. Nous devons croire à la réhabilitation des pères des indépendances africaines tels que Ruben Um Nyobé, Sylvanus Olympio, Barthélémy Boganda, Kwamé Nkrumah, François Tombalbaye ou Thomas Sankara. Ces figures hantent nos nuits. Il est temps qu’elles sortent de leur sarcophage. Un travail de réconciliation et de mémoire de la France et ses ex colonies ouvrirait la porte à un nouveau dialogue pour l’expiation d’un mal devenu insupportable en Afrique.

Les africains tombés sur le champ de bataille en France et en Indochine méritent une place dans l’histoire de la France. Cette ombre ne peut être levée tant que l’histoire ne reconnait par leur rôle qui a contribué à la victoire finale par l’anéantissement du nazisme. Cette vérité ne peut éternellement être occultée.

La relation entre la France et ses anciennes colonies africaines traversent une zone de turbulence dont l’issu est improbable. La France doit être reconnaissante à l’Afrique pour créer de nouvelles conditions d’une amitié et d’une coopération équilibrée. La survie de la France en dépend à long terme.
Emmanuel Macron vient d’annoncer la création de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Ce mémorial sera dirigé par l’ancien premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dont la ville de Nantes a été bâtie avec le sang des esclaves. Les rues de Nantes portent toujours fièrement les noms des négriers. Est-ce le début d’une reconnaissance des noirs dans l’histoire de la France ?



Par Michel Lobé Etamé
Journaliste
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jeudi 24 mai 2018

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Commentaires

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Par François le 24/05/2018
Bien écrit, bien décriée cette relation incestueuse franc-africaine. Mais voyons cher Lobé, qui blâmer, qui soigner? La France en Afrique est à la colonisation ce qu'est une bactérie à la biochimie des intestins. La colonisation est vitale aux économies avancées. L'enjeu se trouve être la qualité des cerveaux. Face aux défis de l'appropriation des savoirs créateurs non rectificatifs, quels devoirs incombent aux Africains? Voila selon moi, le réveil des cerveaux urge, oublions la guerre des colonisés. Best regards / Tout.pour le meilleur / Imhagarike! Francois M-gisha Diapason conseil www.diapasonconseil.ca 1(819)461-0353


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