Génocide rwandais : comment Félicien Kabuga a échappé à la justice pendant 26 ans

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L'homme de 84 ans était en fuite depuis si longtemps que le tribunal international mis en place pour traduire en justice les responsables du génocide de 1994 a cessé de fonctionner.

Mais il a finalement été arrêté le week-end dernier dans une cachette d'une banlieue de Paris, la capitale française - grâce à une enquête relancée par Serge Brammertz, procureur des Nations unies pour les crimes de guerre à la tête de l'organe qui traite les affaires de crimes de guerre en suspens pour le Rwanda et la Yougoslavie.

"Nous savions déjà il y a un an qu'il était très probablement au Royaume-Uni, en France ou en Belgique et nous avons conclu il y a seulement deux mois qu'il était en France", a déclaré à la BBC le procureur en chef du mécanisme international résiduel des tribunaux pénaux (IRMCT) de l'ONU.

"Les autorités françaises ont localisé l'appartement dans lequel il se cachait, ce qui a conduit à l'opération", précise-t-il.

L'une des raisons majeures qui lui a permis d'être en fuite aussi longtemps est "la complicité de ses enfants", a-t-il dit.

Il est connu pour avoir au moins cinq enfants - deux de ses filles étaient mariées à des fils de l'ancien président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, tué lorsque son avion a été abattu le 6 avril 1994 déclenchant le génocide.

Les enquêteurs français ont espionné les enfants de M. Kabuga et l'ont retrouvé dans son appartement situé au troisième étage d'un immeuble à Asnières-sur-Seine, en banlieue parisienne, où il vivait sous une fausse identité avec un passeport d'un pays africain non identifié.

Selon le colonel Eric Emeraux, qui dirige une unité spéciale de la police française chargée de la lutte contre les crimes de guerre, la pandémie de coronavirus a également contribué à ce que le confinement en France paralyse de nombreuses opérations dans toute l'Europe, libérant ainsi du temps pour se concentrer sur l'homme accusé d'être le principal financier du génocide.

En seulement 100 jours, en 1994, environ 800 000 personnes ont été massacrées au Rwanda par des extrémistes hutus - que M. Kabuga, un homme qui avait fait fortune dans le commerce du thé, aurait soutenu.

Ils visaient les membres de la communauté minoritaire tutsie, ainsi que leurs opposants politiques, quelle que soit leur origine ethnique.

Les États-Unis avaient offert une récompense de 5 millions de dollars (3 milliards de FCFA) pour toute information pouvant mener à l'arrestation de M. Kabuga.

Mais il est déconcertant que pendant tant d'années, l'un des fugitifs les plus recherchés d'Afrique, avec une prime de 5 millions de dollars (3 milliards de FCFA) sur la tête ait réussi à échapper à la main de la justice.

Il a été accusé de sept chefs d'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité en 1997,

A-t-il été hébergé au Kenya?

M. Kabuga aurait vécu dans de nombreux pays d'Afrique de l'Est, dont le Kenya, où lui et sa famille avaient des intérêts commerciaux.

On a longtemps dit que le Kenya hébergeait le fugitif, des politiciens puissants étant accusés de contrecarrer les efforts déployés pour l'arrêter.

Qui est Félicien Kabuga?

Considéré comme l'homme le plus riche du Rwanda avant le génocide de 1994,
Il a fait fortune grâce au thé dans les années 1970 et s'est aventuré dans de nombreux autres secteurs, chez lui et ailleurs,
Il était proche du parti au pouvoir, le MRND, et était lié par alliance au président Juvénal Habyarimana, décédé en 1994,
Il est accusé d'être le principal commanditaire du plan de génocide et d'utiliser son entreprise et ses locaux pour organiser et financer le massacre,
Le principal propriétaire de la station de radio privée RTLM, accusé d'avoir incité l'ethnie hutue à tuer des Tutsis
Les États-Unis avaient offert une récompense de 5 millions de dollars (3 milliards de FCFA) pour toute information pouvant mener à son arrestation

En 2006, le Tribunal pénal international pour le Rwanda a déclaré qu'il avait des preuves que M. Kabuga s'était rendu ou avait résidé au Kenya, où il avait des intérêts commerciaux.

Trois ans plus tard, Stephen Rapp, alors ambassadeur itinérant des États-Unis pour les crimes de guerre, a accusé les gouvernements kenyans successifs de refuser de livrer M. Kabuga.

Il y avait des preuves que M. Kabuga avait même assisté à des réceptions auxquelles participaient des personnes influentes, a-t-il dit - des allégations que le Kenya a toujours niées.

Il est incontestable que la famille Kabuga possédait des biens au Kenya, puisqu'une propriété a fait l'objet d'une procédure judiciaire en 2015 lorsque sa femme, Josephine Mukazitoni, qui en était copropriétaire, a tenté de la récupérer sans succès.

Connue sous le nom de "Spanish Villas", elle avait été saisie en raison d'une résolution des Nations unies exigeant des États membres qu'ils tracent et gèlent les avoirs de M. Kabuga.

La traque

Les médias ont signalé la présence de M. Kabuga au Kenya à différents moments, bien qu'ils n'aient jamais fourni de preuve que lui ou sa femme y vivaient.

Il aurait échappé à plusieurs reprises aux filets de la police dans la capitale du Kenya, Nairobi.

Lors d'un raid à Nairobi le 19 juillet 1997, lorsque la police a arrêté sept autres suspects du génocide rwandais, M. Kabuga se serait échappé, avertit par un officier supérieur.

Pour les journalistes qui le suivaient, cette affaire s'est avérée dangereuse.

Le 16 janvier 2003, le journaliste indépendant William Munuhe a été retrouvé mort dans son appartement à Nairobi.

Son frère Joseph Gichuki dit qu'après sa mort, il a découvert que Munuhe préparait une opération d'infiltration avec le FBI pour arrêter M. Kabuga en se faisant passer pour un homme d'affaires.

"A notre surprise, la police a déclaré que la mort de Munuhe était due à un suicide [par empoisonnement au monoxyde de carbone] après avoir inhalé les fumées d'un poêle à charbon", a déclaré M. Gichuki à la BBC.

"Alors qu'il était à la morgue, j'ai personnellement vu une blessure par balle à la tête, et du sang dans sa chambre", affirme-t-il.

Huit ans plus tard, le journaliste John Allan Namu pense avoir été délibérément induit en erreur par une source au Kenya, afin d'identifier la mauvaise personne, un homme d'affaires hors de tout soupçon, comme étant M. Kabuga.

Il estime que certains étaient en effet mécontents de ce que ses enquêtes avaient mis au jour, notamment des preuves que M. Kabuga avait un compte bancaire kenyan avec lequel il continuait à faire des affaires.

Tout est devenu si compliqué que lui et sa famille ont été obligés de se cacher pendant des mois à cause des menaces de mort qu'il recevait.

"L'endroit où il a été arrêté est la preuve que Kabuga a vécu aussi longtemps comme fugitif grâce à la connivence de nombreuses personnes à travers le monde, notamment au Kenya", a déclaré Namu au service des Grands Lacs de la BBC.

La fuite

Au lendemain du génocide, M. Kabuga s'est enfui en Suisse mais n'a pas été autorisé à y rester, et serait revenu en Afrique via Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo.

La plupart des preuves indiquent sa présence au Kenya, bien que M. Brammertz affirme qu'il a également été aperçu à Madagascar et au Burundi.

L'enquête qui a conduit à son arrestation a duré au moins deux ans, à partir de son dernier lieu connu - en Allemagne, où il avait été vu pour la dernière fois lorsqu'il s'est fait opérer en 2007.

Une analyse approfondie des données téléphoniques et financières les a finalement conduits à Paris.

"Il est difficile d'imaginer qu'il aurait pu fuir vers le territoire français sans l'aide de complices", déclare Patrick Baudoin de la Fédération internationale des droits de l'homme.

Le mystère qui entoure ses déplacements depuis tant d'années a incité Human Rights Watch à demander une enquête pour savoir comment et qui a rendu cela possible.

Promenades pré-confinement

Ses voisins parisiens disent que l'homme âgé y vivait depuis trois ou quatre ans.

Olivier Olsen, responsable de l'association des propriétaires de l'immeuble où il habitait, a déclaré à l'agence de presse AFP que M. Kabuga était "très discret" et quelqu'un "qui murmure quand on le salue".

Avant le confinement, on le voyait souvent se promener, a-t-il dit.

M. Kabuga est maintenant incarcéré à la prison de La Santé, dans le centre de Paris, où il restera jusqu'à son transfert à l'IRMCT.

Selon M. Brammertz, cela pourrait prendre des semaines ou des mois et il pourrait s'écouler un an avant qu'un procès ne commence - soit à La Haye, soit dans la ville tanzanienne d'Arusha, où siège le TPIR.

Cependant, les avocats de M. Kabuga ont déclaré qu'il préférerait être jugé en France.

Les survivants du génocide espèrent que de telles procédures ne retarderont pas la justice à laquelle ils aspirent.

Valérie Mukabayire, la présidente du groupe de veuves rwandaises Avega, a déclaré à la BBC que chaque survivant du génocide est heureux qu'il soit arrêté.

"Tout le monde attendait cette nouvelle. C'est une bonne chose qu'il soit confronté à la justice", a-t-elle dit après l'arrestation de M. Félicien Kabuga.

mercredi 27 mai 2020

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